Elisa Ka
28 octobre, 16:57 ·
__ là-bas
un bout de terre
sous le soleil avec un ciel
sans traîne la mer n'est jamais
très loin ses embruns ne griffent plus
mes lèvres le vent et la pluie ne sont que
caresses sur ma peau orangers et figuiers
déposent leurs fruits à mes pieds
et les mouettes n'écorchent pas
les nuages de leurs cris
en détresse
__ ici
un silence en écho me larsène
où je reste sans mots dans un jour sans nom
alors je me rapproche du ruisseau de ta voix
qui me murmure de ton ailleurs
___ ces mots d'où
© Elisa Ka
Image Caterina Theoharidou Art
(sur photo originale de Fan Ho)
Elisa Ka
23 Septembre 2021 .
·
Aux chasseurs d'éternel
qui nous plombent les ailes,
En rusant de leurs mots
pour tenter de nous rendre
aveugles
au fragile de nos tours de sable
et sourds
au blessé des silences qui ont fini
par nous trouer l'âme,
Dans le vertige de nos rêves,
ces ailes à la peau dénudée
qui nous portaient si haut,
et qu'ils ont mutilées à coups
de certitudes,
À tous ces faux passeurs d'étoiles,
je dirai que nous sommes aussi
ce que nous avons failli être..
© Elisa Ka
Oeuvre Benjamin Matthew Victor
Elisa Ka
17 septembre, 22:05 ·
La Décrue -
J'ai construit ma maison de l'autre côté de la nuit.
J'entends le frôlement de la lumière se poser
Sur le chant de l'oiseau qui crépite à ma fenêtre,
La décrue des heures sombres qui s'égouttent
Une à une en perles de mémoire à réinventer.
Désormais, chaque jour j'ausculte le destin,
Je tâte le pouls des fleurs ou des arbres
Et je règle mon pas sur celui de l'eau.
Mon âme, toute jeune encore, s'infuse
Au souffle du vent qui, dans ses méandres,
Me délivrera de l'Exil et me rebaptisera
Dans l'ivresse et le vertige du devenir..
© BaBeL
Peinture Bill Jacklin
Elisa Ka
Septembre 2021 .
·
Le vent s'est essoufflé
à force de nous renvoyer
l'écho d'un monde aphone
où
la mémoire, cette ultime demeure,
s'est perdue dans le désert de la langue
où
seule l'ombre du Poète se reflète
dans l'extase de ses mots
© BaBeL
Oeuvre de François Dumont l'Aîné
(portrait du poète Vincent Antoine Arnault, 1766-1834)
Elisa Ka
15 Septembre, 20:54 .
·
Dans mes veines
S'écoulent en-corps
À l'infime
Les voix frelatées
D'un temps
de Nous
Qui se ramasse
À l'appel
D'une mémoire
Figée
Dans l'angle mort
Des amours infidèles
© BaBeL
Peinture Catherine Reineke-Manry
Elisa Ka
10/09/21 ·
Je conclurai un pacte avec le Temps
Il me laissera effacer tout l'obscur
De cette mémoire déflorée
à expurger
Je conclurai un pacte avec l'Enfance
Pour permettre au rêve de re-venir
au jour d'avant,
Et pouvoir me dire
"Je suis née demain".
© BaBeL
Photo Alison Van Pelt
Elisa Ka
2 septembre 2019 ·
·
Se tenir dans l'angle de la focale
S'extraire du cri démultiplié
qui nous traverse tant
jusqu'à ne plus avoir
de bouche,
S'inscrire dans la lueur de la pierre
et laisser dire..
© BaBeL
Crédit photo Gonzalo Benard
Elisa Ka
- Avant hier ·
LA FEMME COUCHÉE
Larvée dans son cocon de nuits blanches
Aspirée par le vortex de ses fantasmes,
Fatiguée de se battre contre des moulins à vent
Elle continue encore parfois à invoquer les dieux
Mais délestée à présent de son fardeau d'illusions
Mesurant son besoin d'absolu à l'aune de ses manques
Elle déchire le voile des apparences et des désertions,
Calcinée par les feux d'incendiaires sans remords
Oubliée par les habiles faussaires du sentiment
Usée de s'être donnée jusqu'au dernier souffle
Crucifiée sur l'autel des incompréhensions
Habitée par l'envie seulement de lâcher prise,
Elle se décide enfin à déposer les armes
Et se couche pour une nuit sans fin au pied des rêves.
© BaBeL
( acrostiche )
Peinture Crawfurd Adamson
Elisa Ka
14 h - 27/08·
SOUS LES ÉTOILES
De cette moisson d'étoiles en germe
Sous ses paupières d'enfance,
Il ne subsiste plus que ce regard flétri
Par le froid sans répit d'un exil intérieur
Et le flou givré des grandes solitudes.
Son si beau rêve d'un monde nouveau
À se réinventer toujours sous le ciel,
N'est plus qu'un vase creux
Où s'est engouffré ce sanglot
Trop à l'étroit dans sa gorge..
© BaBeL
Peinture Anwar Abdoullaev
Elisa Ka
Il y a des mots en creux
qui flottent dans l'air
et ne se posent jamais
défiant toute gravité
Ceux qui finissent par éclater
comme bulles de savon
sous la pression fatale
de sens à vide
Et puis il y a les mots
qui ouvrent des chemins
en tracés d'eau vive
sous nos pas de soif..
© BaBeL
Photo Hengki Koentjoro
Elisa Ka
J'ai descendu longtemps des fleuves d'Impatience,
accrochée au radeau incertain des Médusés,
J'avais tant voulu croire aux pactes d'infidèles
qui n'ont jamais filé que leurs parfaits égos
J'ai mordu dans des fruits au goût trop emmiellé
qui m'ont vite écoeurée de ces jardins d'Éden,
à leur beauté trompe-l'oeil de décors de théâtres
comme aux amours factices qui s'y déjouent sans fin
J'ai marché en aveugle pour sonder l'invisible
et franchi l'horizon où s'éteint le soleil,
Je me suis égarée loin de ma Terre première
et depuis tout ce temps je dérive toujours
sur ce vaste océan de mots épars, é-perdus..
© Elisa Ka (texte 2014, modif 2021)
Peinture Liang Dominguez Fong
Elisa Ka est avec Sabine Lavaux-Michaëlis.
11 juillet 2020·
J'ai prié
dans la chapelle ardente
des sacrifiés
sur l'autel des ordonnances
et des jugements
sans foi ni loi
J'ai trempé mes doigts
dans le bénitier de leurs larmes
et inversé
le signe de croix
pour conjurer le sort de tous
les exilés de Dieu
© BaBeL
Peinture © Sabine Lavaux-Michaëlis ("L'étoffe des âmes")
Elisa Ka
27 juin 2019 ·
Si tu t'en vas
surtout
ne te retourne pas
Elle est déjà statue
de sel
Dressée au milieu
de nulle part
Telle un phare
sans lumière
sur l'île de l'Abandon
Comme un i
sans poing
dans une phrase
inachevée
Si tu t'en vas
ne te retourne pas
Va
Cours
Vole
et surtout
ne te retourne pas !
© BaBeL
Oeuvre Zao Wou Ki
Elisa Ka
Écartement
.
Une chaleur trop bleue
un feu
qui se plaint
comme un ferment
hersé aux sillons
de nos mains
Entre toi et moi
cet écart te ment
dans ces vers de gris
dévoilés
de l'instant qui bascule
© BaBeL
Photo Judith in den Bosch
Elisa Ka
28 juin 2020·
Elle se souvient de ce jour éclaté
où l'écrin de tes mots
s'est craquelé
à trop les remâcher
Dans le fracas de tes silences
elle a pu lire entre tes dents
et dépoli l'émail
de tes contrefaçons
Leurs pointes acérées ont déchiré
la membrane trop fragile
de vos serrements d'amour
et sevré à jamais
l'Enfant nourrie au laid de tes mots
© BaBeL
Photo © Patrick Gonzales-Visual Artist
Elisa Ka
25 juin 2019
·
LÀ-BAS
Je voudrais mourir dans tes cheveux
mais avant
Je veux boire une dernière fois
dans la coupe de tes mains
cette eau claire qui prend source
dans le tendre jailli de toutes
tes saisons en enfer
Comme au chant de l'alouette
colorant de mille éclats l'aube pâle
du jour recommencé tu me diras
que l'amour est toujours innocence
Tu déchireras le voile de mes peurs
secrètes et m'embraseras tout entière
au feu de tes lèvres affamées
Tu souffleras sur ma peau le sirocco
de cette terre lointaine qui coule
encore dans mes veines et
tu me ramèneras là-bas
là oú le vent du désert s'essouffle
sur les dunes éternelles
© BaBeL
Photo Sandra Mondini
Elisa Ka
25 /06 ·
j'ai glissé le vent
dans mon corps sage
un oiseau s'est pris dedans -
je ferai mon nid de son chant
© BaBeL
Peinture Tatyana Gorshunova
Elisa Ka
1 h ·
Elle avait couru si longtemps dans sa tête
pour s'évader du blessé des silences
et pour échapper à ses rêves plantés
de travers qui l'ont tous débarquée
à marée montante
Il était si loin
que son corps désajusté,
la condamnant à l'immobile,
s'était greffé aux plus hautes branches
de l'arbre qui avait poussé en elle
Elle a couru si longtemps dans sa tête
pour aller à sa rencontre
qu'elle s'est emmêlé les pieds
dans les racines du temps,
Juste avant
de pouvoir le toucher des yeux
et de se poser sur ses mots,
Au moins pour un instant..
© Elisa Ka
Photo-Art
© Antoine Monmarché ("Pure souche")
Elisa Ka
15 h ·
LE THÉÂTRE DES OMBRES
Elle se sentait détachée d'elle-même, comme une doublure
qu'on aurait oublié d'assembler à son envers.
Elle errait tel un fantôme dans ce dédale de solitude qu'était
devenu son quotidien. Une sensation de vertige l'avait envahie et
avait même éloigné les oiseaux de la nuit.
Le décorum fastueux des premiers actes s'était peu à peu laissé
gangréner par la pourriture d'une vie vécue sans motif réel, à
l'ombre d'elle-même.
L'orage qui grondait en ses entrailles allait bientôt tout détruire de
ses fragiles constructions mentales.
Elle ne se souvenait plus que vaguement du dernier des hommes
qui l'avait effacée de sa vie. Elle ne ressentait plus aucune douleur
à présent. Son image même s'était désagrégée au fil des ans ; ce
"mariage-blanc" non consommable et consumé dans les feux
imaginaires d'un théâtre d'imposture.
Les comédies qu'elle parvenait encore à s'inventer ne se jouaient
plus qu'en aparté et à rideau baissé.
La cour comme le jardin s'étaient dévêtus de leurs jeux d'ombre et
de lumière.
Au centre de la scène, seule une rose séchée gisait au pied d'un
arbre nu.
Elisa Ka - © BaBeL
Peinture de Jean-pierre Ledieu ("En scène")
Elisa Ka
9 juin 2019 ·
Il marche en équilibre
sur le fil des amours
chancelantes
Les pieds sur le vide
et sous la langue un goût
d'inachevé
Il vacille un peu parfois
quand le ciel se détourne
de lui
Même sans balancier
il continue d'avancer sans
voir plus loin que le bout
de ses souliers
Il voit les visages
et il entend les voix
Sans s'apercevoir
que ce qu'il voit
n'y est pas
Et que le fil
trop tendu
a cédé
sous ses pas
© BaBeL (Équilibriste)
Photo Sabine Barras
Elisa Ka
6 juin, 20:42 ·
dans ma chambre
rien ne bouge
dans ma tête
rien ne s'évade
dans ma bouche
rien ne parle
seuls mes yeux migrateurs
m'envolent ailleurs
m'exilant
de ces écrans flous
qui dessinent
à l'aveugle
un à-venir
insoluble
© Elisa Ka (2020) - © BaBeL
Photo © Olivier Nesa
Elisa Ka
3 juin 2019 .
LA RIME INVERSÉE
Elle me narguait alors, sans jamais s'atrophier
sous les pas ravageurs de mes colères rentrées
De toujours la sentir aussi prévisible
sur les chemins ivres de mes errances,
je l'ai piétinée sans cesse et sans remords
cette entrave ridicule qui m'avait rétréci
les vers et le coeur
~
Je t'ai perçue dans la douceur de l'aube,
comme un souffle ténu, une caresse impalpable,
étrangère encore à mes sens endormis
Tu m'as conquise sans me faire violence
et je m'offre à toi tout entière
comme dans une prière
Je t'ai laissée libre de jouer, et même en dissonance,
ta gamme d'impromptus sur les touches du poème
Tu étais là, enfin
échappée du tiroir à vieilles rengaines,
Mon irremplaçable, ma belle Sauvage
....... ma Rime Inversée .......
© BaBeL
Oeuvre Ewa hauton
Elisa Ka
28 mai, 21:12 · ·
Dans ma maison
d'autre-mer
je m'étais endormie
sur un lit de plumes
où couvaient mes rêves
Je me suis réveillée
exilée de l'enfance
naviguant entre pluie
et insomnie
sur des éclats de vers
© BaBeL
Oeuvre John Fenerov (charbon & graphite)
Elisa Ka
30 avril 2013 ·
Mots Passants -
Au bord de l'incertitude,
ses mots résistent encore un peu
avant de tomber comme lettres mortes
des pages du Livre de sa vie,
imparfait
Ils avaient poussé en elle,
renforcés par des vents d'infiltration
la livrant aux métaphrases parodiques
de lecteurs hypothétiques,
d'occasion
Délestée du poids des méprises
et du tout-venant,
elle tomba enceinte d'un vide immense
Désencrée mais plus légère qu'une plume
elle ne se nourrit désormais
qu'à l'éphéméride des Mots Passants..
© BaBeL
Oeuvre de Christophe Lieven
Elisa Ka
2 mai 2019
Tes mots jetés à la mer
qui divaguent
au rythme incessant
de tes marées océanes
Ma voix en lambeaux,
broyée
dans tes rouleaux de vagues,
échouée sur la grève déserte
et nue
comme une brisure
de l'âme..
© BaBeL ("Bris de l'âme")
Oeuvre Hengki Koentjoro
ÉLUCIDATION
Hordes sauvages de Guerriers
de l'Ombre
assiégeant ma mémoire,
fantômes d'alors
fantoches rescapés
du désordre d'Alors -
Ils sont toujours là,
exhumés de ces champs du repos
à brandir d'autres armes
à creuser d'autres larmes
Avec leurs sentences dévoyées
sous le couperet des vers
dont je sais à présent
le pouvoir
et les sortilèges
© Elisa Ka (3 mai 2020)
Oeuvre Pawel Kosior
TEMPUS FUGIT
On dit qu'elle est présente, sans vraiment être là. Certains ont vu sa silhouette se
profiler sur des écrans de fumée. On ne la voit pas, on l'entrevoit. Entre les
images mentales qui défilent, une lueur limbique. Une petite musique aussi,
sans notes. Une presque-voix.
- On voit mal.
- C'est normal.
- Et l'on voit quoi ?
- Seulement ce qu'on entend.
Un ciel rouillé qui tombe sur la mer. Toujours là, en attente d'une bouée de
sauvetage. Un souffle épars, un bruissement d'ailes. C'est peut-être elle qui vient
et repart. Sans se poser.
- On n'entend rien.
- Parce qu'on ne voit rien.
- Alors pourquoi ne pas se taire ?
- Se taire, c'est encore trop dire..
On ne la voit pas, on ne l'entend pas. Mais elle est simplement là, à l'endroit
même où elle se cherche encore. L'espace d'un instant, elle entre dans notre
regard, dans notre voix. Pendant un instant, les yeux fermés, on la sent. On
devient Elle.
Puis soudain tout s'évanouit, comme les rêves au petit matin.
Et il ne reste plus que soi, comme une désertion..
© Elisa Ka (texte 30:04:2019, modifié)
à l'Absente
.
Elle a laissé traîner derrière elle
une fragrance de "fleurs de rocaille"
ou son Souvenir
mais n'est-ce pas la même chose ?
Elle me traverse en-corps
Acérée
comme une flamme ardente
dans mes yeux de révolte
armés de silence
et quand Elle me regarde encor
de ses pupilles mortes
je sens pousser la Lumière
sous mes paupières
© Elisa Ka (27/04/2020)
Oeuvre © Jean-pierre Ledieu ("Le septième jour")
29 août 2019
TRAIN DE NUIT
Il ramassa ses lunettes et les nettoya minutieusement tout en l'épiant de son
regard torve.
Un bruissement de feuilles la fit sortir de sa rêverie et elle se souvint du mauvais
pressentiment qui l'avait assaillie lorsqu'ils avaient emménagé dans cette maison sans
placards. Ce jour-là elle lui avait demandé en riant trop fort où les anciens propriétaires
avaient bien pu cacher leurs cadavres. Il n'avait pas ri.
Elle s'était écorché les jambes jusqu'au sang en voulant découvrir le jardin envahi de ronces.
Elle savait déjà qu'elle ne parviendrait jamais à apprivoiser cet endroit.
La caresse du soleil et le doux murmure de la mer qui l'avait bercée toute son enfance
s'étaient transformés en ce crachin insidieux qui n'en finissait pas de cracher. Elle avait
beau remonter le col de son manteau, elle ressentait toujours ce froid humide qui
s'infiltrait dans les moindres replis de son corps.
Elle avait même souhaité qu'un orage violent survint à cet instant pour la purifier, la vider
de toute cette grisaille accumulée en elle.
Lui continuait de la surveiller de loin, tel un Pygmalion faussement protecteur qui ne peut
se détacher de sa créature. Il ignorait encore qu'elle le quitterait dès qu'elle aurait
retrouvé le visage de ses parents, cachés dans le maquis de sa mémoire.
Elle s'était promis d'échapper à ce voleur d'âme qui continuait toujours à
se nourrir de ses rêves. Ce n'était plus qu'une question d'heures.
Le soir même elle prendrait un train de nuit pour une destination inconnue,
et ne réveillerait pas l'enfant jusque-là.
© BaBeL
© Photo Frédérique Boquerat
Source Blog.
05/11/2020
Qui saura deviner
ma voix dans le vent ?
Elle s'est enfuie si loin
des morsures du temps
qu'elle s'est perdue souvent
dans les graves inaudibles
des douves du silence
Elle effleure du bout de tes yeux
l'écho naufragé de sa couleur,
écrite en filigrane d'une aube
en partition à deux,
indéchiffrable sans toi
Sauras-tu
deviner ma voix dans le vent ?
© BaBeL
Oeuvre © Antoine Monmarché (Monch)
Source Blog.
05/10/20
Au loin
une Tour de guet qui écorche le ciel
projetée dans le bleu insensé de la mer
L'arche des palmiers m'ouvre un chemin
d'ombre et de lumière et j'avance mes pas
sans savoir où je vais
Chaque jour l'oiseau déchire de son chant
le voile de l'aube et sous la caresse du soleil
les jardins explosent en mille gerbes multicolores
La brise marine exalte les effluves tenaces
des citronniers quand les jasmins retiennent
leur souffle jusqu'au crépuscule
Être là
loin des lumières qui s'enténèbrent
loin des masques sans visages
et du vide au coeur qui s'envisage
Là où l'on n'est plus que soi
© Elisa Ka
Sculpture Toni Mari Sort
Source Blog.
25 septembre, 22:02
AUX VOLEURS !
Il y eut d'abord les voleurs de feu
qui semaient l'effroi partout où ils passaient
puis les voleurs de terres
élevant des murs et créant des frontières
qui ne sont que blessures,
les voleurs d'enfance
ces profanateurs d'innocence
qui s'octroient le droit de la souiller à jamais,
les voleurs d'âmes
se nourrissant seulement de l'enfer
qu'ils font vivre aux autres
et enfin
les voleurs de rêves
qui nous achèvent mieux que les chevaux..
© Elisa Ka
Crédit Photo© Olivier Nesa
Source Blog.
ÉCHAPPEMENT LIBRE
Dans tout ce qu'elle avait cru savoir,
elle avait ignoré qu'il y a toujours
quelque chose qui nous échappe,
change d'état sans être perçu,
un fourmillement
un souffle sans air
une trace sur la vitre
altérant la vision
Pourtant tout était là.
le cendrier sur la table basse
le fauteuil à bascule - immobile
la corbeille à fruits
rêvant d'autres couleurs,
puis
les mots tombés de ses lèvres
comme feuilles mortes à l'automne,
sans aucun bruit
Elle était là elle aussi.
Comme la nuit succédant au jour,
confondus
dans un même crépuscule,
Mais dans ce souffle du vent
qui ondule les arbres,
dans ce silence ponctué
par le chant de la mer,
Sans même le savoir
elle était entrée
dans l'Imperceptible..
© Elisa Ka (modif 2020)
Crédit Photo© Olivier Nesa
Source Blog.
FIN DE SAISON
C'était une peur d'enfant, incontrôlable, qui l'avait lentement paralysé.
Au crépuscule de sa vie, il n'avait toujours pas réussi à se débarrasser de cette suie de l'enfance,
comme une pollution inaltérable qui se serait infiltrée jusque dans son âme.
Mais à ce moment précis la peur s'était transformée en panique, comme s'il venait de naître et que
personne ne l'avait prévenu.
Il venait de sentir un liquide chaud et salé qui empruntait le réseau sinueux des rides, de sa joue
jusqu'au coin de la bouche puis de ses lèvres à son menton. Il reconnut à peine le goût de cette
larme car il n'en avait pas versé depuis des siècles. C'était bon et doux comme une caresse sur sa
peau tannée de solitude. Son coeur battait donc encore et lui servait à autre chose qu'à pomper
son sang !
Il ne savait plus pendant combien de temps il était resté là, assis sur son lit et l'oeil rivé sur cette
fenêtre ouverte sur le néant.
Il s'aperçut alors qu'une arme pendait entre ses cuisses comme un sexe mou. Il la rangea dans le
le tiroir de sa commode, décidé à s'en débarrasser la nuit venue. Pour lui qui pensait ne plus jamais
être atteint par la moindre émotion, cette larme avait tout bouleversé en un instant.
Pendant toutes ces années il n'avait jamais ressenti de haine ou de rage envers quiconque, mais
juste une profonde incompréhension face aux coups d'un destin qui ne l'avait pas épargné jusqu'ici.
Cette solitude qui l'avait accompagné durant tant d'années, la peur qui bien des fois s'était
associée à elle et enfin ce mélange complexe d'émotions diverses qui l'avaient submergé à travers
cette larme.. tout cela l'incitait à présent à sortir enfin de son vétuste appartement et à marcher
droit devant lui, jusqu'à la plage déserte en cette fin de saison.
L'obscurité s'épaississait autour de lui et sa compagne de toujours finit par le rattraper juste au
bord des vagues.
C'est alors qu'une unique question lui revint en tête, comme un boomerang -
"Pourquoi m'as-tu fait ça ?"...
© Elisa Ka (modif 2020)
Crédit Photo Olivier Nesa
Source Blog.
APHONE
j'ai rangé tous mes mots
mal aiguisés
dans le vieux tiroir
à couteaux
bien repliés
dans un gant de velours
ils en ressortiront un jour
peut-être
dépolis
peut-être
à l'émeri
du silence
© Elisa Ka
Crédit Oeuvre © Antoine Monmarché
Source Blog.
L'HEURE BLEUE
Ils s'étaient dit c'est la dernière fois
Le soleil finira bien par s'éteindre
sans nous
et nos yeux par se dessécher
sans ses larmes de feu
Le froid a scellé leurs lèvres
et le vent a essaimé leurs derniers mots
comme ces feuilles mortes divaguant
à l'heure bleue
Mais sous ses ailes l'oiseau a gardé
leur histoire au chaud –
Jusqu'à quand ?
© BaBeL
Peinture© Ross Bleckner
Source Blog.
Elisa ka
23 août 2019 ·
EAU PÂLE ET SENS
Il est des jours
où le trop plein se vide
quand le vide se plaint
de trop
Il est des jours
où les mots renflés
de présomption s'évident
de leur sens
Et ne laissent filtrer
en leur déliquescence
qu'une vibration
muette
Sur l'onde étale
Un frémissement
immobile
une opalescence
© BaBeL
Photo © Elisa.Ka
Source Blog.
"Je voudrais saigner la Rumeur"
La leur offrir sur un plateau d'argent.
Me rendre sourde à ce fracas des voix
Qui me dérivent en m'éloignant de toi
On ne les entend plus et pourtant ils me parlent
Leurs voix se perdent dans des abîmes de fureur
Sans bruit.
Où la tempête se déchaîne en secret
Leurs mots se cognent à la porte scellée
De mes lèvres et finissent par rendre l'âme
Pendus à la corde du Silence....
© Elisa Ka (2020)
Oeuvre de © Olivier Nesa
Source Blog.
"LE DERNIER VOYAGE"
La nuit et le froid sont tombés comme un couperet.
Franchir plaines et montagnes pour se retrouver au pied de ce mur, cette blessure invisible sortie de terre, là où se creusent les tombes de l'exil.
Puis affronter les chiens enragés sortis de nulle part qui se dressent entre les hommes à bout de force et cette porte imaginaire où se brise le rêve.
**
L'esclave oubliée de tous leur tend les mains, ce livre ouvert au hasard, en offrande comme un chef-d'oeuvre - son unique monnaie d'échange contre un droit de passage, un viatique pour s'évader de l'enfer.
Elle a traversé toute sa douleur et sa mémoire est en cendres quand elle pense à ce pays fantôme qu'elle a dû fuir.
Pendant l'interminable voyage, elle a porté ses racines sur son dos.
**
À présent elle ne rêve que d'une chose, se délester de ce poids mort qui l'empêche d'avancer.
Elle n'aspire plus qu'à la légèreté du corps et de l'esprit, comme à une forme de transparence jusqu'à l'oubli.
© Elisa Ka (texte 2019, modif. 2020)
Oeuvre de © Olivier Nesa
Source Blog.
"LES MONOLOGUES DU PHALLUS"
14 Novembre 2019
Il éructe d'orgasmes
en ces terres assoiffées
et l'effluve de ses miasmes
flotte sur les travées
Il s'envase au tempo
d'une rengaine itérée
puis reprend da capo
sa partition usée
Pour finir sa besogne,
branlant sur son trépied
il s'essouffle, recogne,
et s'escrime d'arrache-pied
Quand il arrive à bout
de force et d'arguments
sans même s'en être absous,
il s'incline et se rend
Le présomptueux discours
faisant place au silence
le Jardin et la Cour
retrouvent leur essence
Oeuvre de © Olivier Nesa
© BaBeL (élucubration dépoussiérée de 2010)
Source Blog.
"DÉSHÉRENCE"
Elle a semé l'épars comme d'autres prennent racine creusant un sillon qui se ferme à chacun de ses pas Les traces délébiles de son chemin de croix l'ont menée sans détours jusqu'aux portes de l'Inaccessible
Ombre parmi les ombres une tache trop visible à effacer sur les pages blêmes de nos grimoires
Invisible à tous ceux qui ont fui l'imploration de son regard qui accuse Elle s'est cognée aux angles saillants de leurs évidences assassines
Telle une phalène piégée par la lumière, elle s'est abîmée contre des murs d'Indifférence
comme une dernière prière sur l'autel de l'Infamie
Oeuvre de Montserrat Gudiol
© BaBeL (texte modifié le 29/12/2019)
Source Blog.
"TRANSPARENCE"
Je la vois s'approcher jusqu'à se fondre en moi
Cette soeur é-perdue dans des limbes d'antan
Exhumée du souffle de mes prières sans foi
Elle qui a traversé tous mes rêves d'enfant
*
Orpheline de toi avant mon premier cri
D'avoir volé ta place j'en ai perdu la mienne
D'avoir vécu ta vie j'en ai payé le prix
Aujourd'hui tu es là qui coule dans mes veines
Et après tout ce temps à supplier dans l'ombre
Devenue Transparence je déborde de Toi
Oeuvre de © Olivier Nesa
© BaBeL
Source Blog.
"DÉ-FIGURATIONS"
J'ai coupé mon visage
au rasant
de la mémoire
*
Miroir à deux faces
l'une
en pleine lumière
l'autre
à contre-jour
*
Une cicatrice ouverte
une incise
dans la chair
sans points de suture
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Qui me sépare de moi
bien mieux qu'une frontière..
Oeuvre de © Olivier Nesa
© Elisa Ka (28 mai 2020)
© BaBeL
Source Blog.
"ALICE AU PAYS DES CAUCHEMARS"
Gagnée par une incurie mêlée de paresse, elle avait laissé les mauvaise herbes envahir peu à peu son jardin, et dès lors, une fièvre mystérieuse la dévora jusqu'aux entrailles. Elle avait totalement perdu l'appétit et son squelette se mit à rétrécir à vue d'oeil.
La fin de l'ancien monde ne manquait pas de s'annoncer sous diverses formes, aussi terrifiantes que prévisibles, mais le plus important pour elle à ce moment-là était de pouvoir se déplacer sans se faire repérer.
Régulièrement, au gré de ses promenades nocturnes, son esprit s'évadait pour rejoindre la farandole endiablée de ses joyeux fantômes nocturnes.
Par une nuit de pleine lune au long cours, alors qu'elle s'apprêtait à rebrousser chemin, elle vit la tête tranchée d'un lapin blanc se balançant au bout d'une branche d'arbre calciné.
Oeuvre de © Patrick Gonzales-Visual Artist
© BaBeL (texte 2013 modifié)
Source Blog.
Oeuvre Jarek Kubicki
Elle a mal à ses jours
ils ne veulent plus
se réveiller
Elle a mal à ses nuits
un ciel aveugle
figé
quand elle ne rêve
que d'étoiles
________ même filantes
Un temps
suspendu
au gibet
de l'indifférence
et
______ de l'ineffable
© BaBeL ("Le Pendule")
Oeuvre Jarek Kubicki
Elisa Ka
17 janvier, 20:18
Soldes d'hiver...
***
J'ai dans l'eau de mes yeux une vague d'océan
Brisée par les tempêtes et les colères du ciel
Elle charrie avec elle les cris des goélands
Et le chant des sirènes à l'arrière-goût de fiel
J'ai au fond de la gorge un poison lancinant
Qui emperle mes lèvres et rend à mes baisers
La saveur ineffable du fruit gorgé de sang
Où les amants de proie viennent s'y enivrer
J'ai au creux de mes mains tous les sables mouvants
Les déserts et les mers enroulés à mes doigts
Ont tissé une voile où s'engouffrent les vents
Et s'échangent les rêves des mendiants et des rois
© Elisa Ka ("Des-Altérations")